Ignotus : le journaliste inconnu du Paris du XIXe siècle
Une figure atypique du monde de la presse
A la fin du XIXe siècle, le journalisme d’enquête apparaît en France et cherche ses lettres de noblesse. Une figure en particulier s’extirpe des conventions établies et dresse un portrait flambant du Paris de l’ombre, celui dont on ne parle pas : Ignotus, l’”inconnu” ou “celui qui ne connaît pas” en latin. Vocation, Ignotus, de son vrai nom Félix Platel, est né en 1832 dans une commune de l’actuelle région des Pays de la Loire.
Un parcours atypique
Il grandit dans une famille aisée et hérite du titre de baron. Grand de taille, trapu et moustachu, certains contemporains évoquent sa ressemblance avec Gustave Flaubert. Plusieurs trajectoires jalonnent sa vie : la première le mène vers des études de droit jusqu’à devenir avocat au barreau de Paris, une autre le propulse en tant que maire de sa localité et la dernière le conduit au journalisme. Entretemps, il voyage en Italie où il se perfectionne dans l’écriture et se fait remarquer dans des missions littéraires et diplomatiques.
Une empreinte durable dans le monde de la presse
Au début des années 1870, il fait une entrée fracassante au journal de la rue Drouot, communément appelé Le Figaro, avec des portraits léchés de Léon Gambetta, Sarah Bernhardt et autres personnalités. Ces premiers jets rencontrent un franc succès et il devient évident que Félix Platel possède un grand potentiel. Rapidement, Le Figaro fait paraître ses chroniques au format hebdomadaire et, aidé par l’essor de la souscription dont Platel se sert auprès du lectorat, gagne en visibilité.
Un regard sur la misère
Avec ses chroniques, qu’il nomme “études”, le reporter sort des sentiers battus et s’aventure dans les profondeurs de la capitale, loin de la société mondaine. Ses articles évoquent des thèmes récurrents qui deviennent un motif prédominant : condition ouvrière, handicaps, droits de l’enfant, prostitution. A travers un récit sensationnel à la première personne, le journaliste rassemble toute sa verve pour retranscrire l’atmosphère des lieux qu’il visite et les informations défilent tel un long plan-séquence.
Dénoncer pour mieux régner
L’une de ses “études” les plus marquantes est celle de la Petite Roquette, une ancienne prison pour mineurs où se trouve aujourd’hui le square de la Roquette dans le 11e arrondissement de Paris : violence et insalubrité, confinement de vingt-deux heures en cellule, interdiction aux détenus de se voir et parler entre eux, Félix Platel alerte sur l’horreur qui y règne et l’injustice de ces incarcérations qui s’abattent sur de jeunes vagabonds plutôt que des criminels notoires.
Un destin tragique
Le journaliste est l’un des précurseurs de ce que deviendra le reportage engagé du XXe siècle, n’hésitant pas, dans une démarche quasi-sociologique, à dénoncer le chaos ambiant. Lunatique, il reste résolument à l’écart de ses contemporains et finit par décéder du diabète en 1888. Son ami et écrivain Paul Perret, qui se charge de rédiger sa nécrologie, le qualifiera d’”excellent homme, pas médisant [et] bon aux pauvres”.
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